Ce « Wesh » qui nous sépare
Wesh par ci, wesh par là… Depuis près de 30 ans cette interjection argotique dérivée de l’arabe est entrée dans le « vocabulaire » (oui je mets des guillemets) courant des nos enfant. Tantôt utilisé pour ce saluer, parfois pour ne rien dire ou tout simplement pour dénigrer, il est devenu bien difficile de passer à côté.
L’origine du wesh
Wesh, tel est ce mot qui me hérisse les poils que j’associe bien souvent à la racaille et pourtant aujourd’hui il est devenu tellement commun ce petit « Wesh ». Comme beaucoup de mots que nous utilisons au quotidien il a été transformé, adapté, dérivé de son utilisation première. A l’origine, il s’agit d’un dérivé des mots « Wesh kayn ? » qui signifie « Qui y a-t-il ? » ou « Wesh rak » pour dire « Comment vas-tu ? ». Rien de désagréable, une formule de politesse de l’arabe algérien (à noter qu’il existe des similarités avec l’arabe marocain mais mes connaissances sur l’étymologie et la langue arabe sont limitées).
Vous me direz, comment ce mot a-t-il pu arrivé dans les bouches de nos enfants de Marseille à Calais en passant par Paris ?
Pour cela il va falloir demander à vos parents et grands frères. Après la fin de la guerre d’Algérie, de nombreux pieds noirs sont venus en France. La plupart étant bilingues, c’est avec facilité que les deux langues ont continuées à être utilisée. Evidemment, socialement parlant il était plus compliqué de parler arabe lors que l’on était entouré de voisins issus de la métropole ou au travail. Néanmoins, beaucoup de communautés se sont retrouvée et ont continuées à parler mi-arabe, mi-français.
Forcément 20 ans plus tard, les enfants nés des familles immigrées employaient les expression et les idiomes du quotidien dont le fameux « Wesh rak ». La vie prenant son chemin, les expression usuelles et communautaires sortent parfois du cadre familial et les amis, voisins ou collègues commencent parfois à utiliser des expressions qu’ils entendent au quotidien. Les enfants jouant tous ensemble, au parc, à l’école imitent leurs camarades et c’est dans les quartiers où la population étaient principalement composée d’immigrés que le « wesh » simple a pris son essor.
Les petit voisin qui ne parle pas arabe
Il est acquis que les enfants héritent bien souvent des tics de langage de leurs parents ou de leurs voisins. Ainsi un marseillais qui a des enfants en Picardie, aura de fortes chances que ses enfants parlent avec un accent du nord, car c’est l’accent majoritaire là bas. Il en vas de même pour les intonations ce qui explique que les jeunes français nés de leurs parents Algériens ou Marocains ont parfois un petit tic de langage avec des phrases plus sèches et et certains accentuations plus marquantes.
Par exemple, je reprends le fameux exemple de la prononciation du mot « PAIN » qui sonne différemment selon les régions.
C’est avec ces tics de langages qu’est né ce qu’on appel vulgairement et tristement « l’accent des banlieues », je ne m’étalerai pas sur le sujet mais la cause en est la même que pour l’emploi du mot « wesh » : le mimétisme.
Ainsi, si vous viviez avec de nombreux enfants qui ont un accent, qui utilisent des expressions atypiques, vos enfants vont naturellement emprunter celles-ci et parler avec un accent. C’est donc pour cela que vous avez parfois des jeunes de métropole, de parent nés en métropole qui se retrouvent avec « un accent de banlieue » : le mimétisme.
Evidemment, il y a des limites à ce que l’oreille peut reproduire. Nos petites têtes blondes (vous me pardonnerez l’expression) ne parlant pas arabe, entendent les parents de leurs amis dire ce fameux « Wesh quelque chose ». Ils remarquèrent que ce « wesh » intervenant souvent en début de conversation, comme un salut et c’est naturellement qu’ils commencèrent à répondre et utiliser ce termes avec leurs amis.
Adaptation du wesh au quotidien
Comme beaucoup de mots étrangers utilisés en France (et même les mots français), le wesh a évolué au fil des années et des conversations. « Wesh » est devenu rapidement un « bonjour / salut » du quotidien dans les banlieue ayant accueillie massivement les Français d’Algérie. Les enfants grandirent et le Wesh s’est déployé au delà des banlieues. Partout en France les adolescents utilisèrent avec plus ou moins de parcimonie ce termes argotique plus ou moins compris.
« Wesh gros », « wesh ma couille », « wesh frero », « wesh les potos » ou tout simplement « wesh ».
Le wesh est partout et même à la télévision ou au cinéma. C’est malheureusement là qu’il prendra tout son ampleur et sa mauvaise réputation. Malheureusement, beaucoup de réalisateurs des années 80-90 ont fait des films assez « clichés » sur les banlieues en présentant des bandes de jeunes avec leur quotidien et leur langage.
Dans de nombreux films « la racaille » use et abuse du wesh pour tout dire et n’importe quoi. Interjection, salut, ponctuation… le wesh ne veut plus rien dire, c’est un tic verbal utilisé à tord et travers en plein milieu du phrase. Forcément pour certain ça fait « cool » et pour d’autres cela sera synonyme de schisme sociétal.
Celui qui dit « wesh » est à éviter, il représente la mauvaise éducation, il ne parle pas bien français… Vous aurez compris, le wesh ne doit pas être employé par la bonne société.
Je me permets d’ailleurs le parallèle avec « l’accent des banlieues » et la langue arabe, fort de cette mauvaise image propulsée par de mauvais films, beaucoup de parents n’ont pas appris l’arabe à leurs enfants (ou très mal) pour qu’ils deviennent « de bons français » créant un coupure avec leur famille restée en Algérie (ou ailleurs). Certains jeunes après le lycée ont beaucoup travaillés sur la perte de leur accent pour gommer les aspérités et s’intégrer au maximum. A cette époque, il y avait également une grande promotion des prénoms « mix » afin de permettre aux enfants de bien comprendre qu’ils sont issus de deux mondes « jean-mouloud », « john-rachid », « Marie-touria », « rachid-antoine », « jean-Mohammed » … j’en passe et des meilleurs (clins d’oeil à mes amis qui me liront et qui se reconnaitront). Prénoms qui malheureusement feront débat plus tard lors d’entretien d’embauche et la fameuse vague du « il vaut mieux s’appeler Pierre que Mohammed pour trouver du travail » et qui donna plusieurs proposition d’anonymisation des CV ou poussera certains à utiliser l’un de leurs prénoms plus qu’un autre…
Les youtubeurs, le cinéma et le Wesh
Aujourd’hui, le « Wesh » est partout et pas que des les banlieues et encore moins que dans les classes populaires. Il est « cool », il est « commun » et même si les parents ne l’aiment toujours pas il est quand même bien présent.
La faute à l’émergence des jeunes influenceurs du dimanche, ces petits jeunes qui se filment sur youtube ou sur twitch et qui abusent du « wesh ».
Je me rappelle encore une vidéo du jeune youtubeur Michou qui vous balance un wesh toutes les 30 secondes dans certaines vidéos, je crois que j’aurai pu lui emplafonner la tête tellement ça ne voulait plus rien dire, c’était un tic !
Evidemment, nos enfants qui consomment massivement ces nouveaux médias (sans filtres) se retrouvent fasse à une avalanche de wesh, de jeunes ayant beaucoup de temps pour se filmer et ne parlant par forcément un langage soutenu voir plutôt vulgaire.
Certes, youtube a commencé à censurer ou rappeler à l’ordre les youtubeurs qui disaient trop de gros mots mais on ne censure pas parce que quelqu’un dit des mots qui ne veulent plus rien dire, wesh !
Même dans le dernier film d’animation Spiderman Miles Morales utilise le Wesh, cela montre qu’il est rentré dans les usages du quotidien mais là aussi Miles Morales représente un garçon des banlieues et c’est on oncle (pas très fréquentable) qui lui apprend à utiliser le « wesh », le ton est donné et c’est un rappel indirect au cliché des années 90 : « attention à votre usage du wesh » d’autant plus que Miles Morales représente exactement ce que je vous ai évoqué plus haut, un enfant métis issu de multiples cultures. Quant à savoir comment un americano-hispanique a découvert le mot wesh, ça reste une enquête à mener…
Wesh à tous 😀
Source photo de couverture Ferdinand Feys