Live A Live – Nintendo Switch / 2022
Takashi Tokita.
Hormis arracher un sourire de par sa rigolote consonance, ce nom n’évoque pas grand-chose au grand public. Et pourtant ! Cet homme a travaillé de nombreuses années chez Squaresoft et a été Directeur sur des titres tels que Parasite Eve, Chocobo Racing, The Bouncer et surtout Chrono Trigger.
Tokita a également un autre hit à son tableau de chasse en tant que Directeur : Live A live, sorti en 1994.
Couvert d’éloges à sa sortie à sa sortie, Live A Live est un soft dans la plus pure tradition des J-RPG : les phases d’exploration, les combats, les points d’expérience, etc. Vous n’y trouverez cependant pas de points de magie, ni argent. L’autre particularité, rare pour l’époque à ma connaissance, est que les points de vie des personnages sont régénérés automatiquement après chaque combat. Pratique !
A l’opposé de la plupart de J-RPG, les combats de Live A live se voulaient plus dynamiques qu’un bête tour à tour en offrant une expérience à la manière d’un T-RPG. L’accès à la palette d’actions de chaque personnage est conditionné par le chargement d’une jauge dédiée. Sachant qu’au plus une attaque est puissante, au plus elle sera longue à charger.
Une sorte d’Active Time Battle à la manière de FF VI par exemple qui prend place sur un échiquier de 7 cases sur 7. Très sympa pour rompre la monotonie des affrontements, tel Chrono Trigger ou Parasite Eve cités plus haut et qui verront le jour plus tard sous la direction du même homme.
Au-delà de ces touches innovantes, la vraie nouveauté du bébé de Squaresoft était de proposer une histoire articulée autour de 9 scénarios (7 principaux suivis de 2 venant clôturer l’aventure) se déroulant en autant d’époques différentes (du moins 8 époques pour être exact).
Indépendants, chaque chapitre peut se jouer dans n’importe quel ordre et surtout : avec ses propres codes.
Par exemple, dans le chapitre de la préhistoire, vous ne verrez aucun dialogue et les objets sont créés en combinant des matériaux bruts. Le héros peut aussi se servir de son odorat pour traquer les monstres ou résoudre des énigmes (sans difficultés). Autre exemple, le chapitre du futur lointain se déroule à la manière d’un film à huis clos, sans combats autre que le boss de fin et une borne d’arcade optionnelle.
La promesse de Live A live est de nous proposer 7 façons de jouer sur un seul jeu. Alléchant.
En son temps, Live A live faisait figure de précurseur. Malheureusement, tout comme Bahamut Lagoon sorti en 1996 chez la même écurie, seul le public japonais avait eu l’honneur de le découvrir. Il aura fallu attendre 2022 pour voir finalement le jeu ressortir dans un nouvel écrin sur Nintendo Switch, en version localisée.
Pour quel résultat ?
Nous étions nombreux à avoir été enthousiaste à l’annonce de ce remake dans une robe 2,5D déjà utilisée pour le très joli Octopath Travelers.
Et effectivement, dès l’introduction, sa plastique est mise en avant avec la refonte de sa magnifique ouverture. Sensation qui ne s’essoufflera pas. En dépoussiérant le gamedesign sans dénaturer le matériau d’origine, les équipes ont réalisé un travail d’orfèvre et Live A live est une invitation au voyage à travers des époques superbement retranscrites, un bonheur pour les yeux.
Chaque environnement est une caresse visuelle. On a vraiment l’impression de parcourir des tableaux d’aquarelle. Et cette profondeur…quel spectacle ! Vos oreilles seront également à la fête grâce aux compositions léchées qui ont beaucoup de personnalités.
Varié, le gameplay tente de proposer une expérience différente à chaque chapitre. Alors bien entendu, il reste relativement identique dans son fonctionnement d’une époque à l’autre. Mais chacune d’elle possède sa propre personnalité et nous livre une approche exploration/combat qui lui est propre. Mais comme nous l’avons déjà vu, le temps passe. Inévitablement, ce qui fut si novateur en 1994 devient juste distrayant 30 ans plus tard.
Car si Live A live cochait toutes les cases pour nous offrir des heures inoubliables en 1994, l’expérience est certes agréable mais pas irréprochable en 2022.
Explications : son rythme.
Sur le papier, l’idée d’un découpage épisodique est louable pour servir le gameplay. Cependant il (le découpage) n’évite pas les sacrifices de narration. Pour rappel, le soft se décompose en 9 chapitres, d’une durée variable allant de 1h à 4h de jeu pour les plus longs. Chaque histoire étant indépendante, la faible durée de vie de chacun n’offre que peu de relief aux protagonistes auxquels on s’attache peu pour la plupart. Même concession pour le lore qu’on aurait aimé voir plus développé. Une trajectoire en dents de scie qui mine l’expérience et la rend, n’ayons pas peur des mots, parfois ennuyante.
Et quel dommage ! Quel dommage tant cet aspect, si avant-gardiste à sa sortie, était l’une des principales attractions de Live A Live !
Au final, je suis arrivé au bout de l’aventure mi-figue mi-raisin avec un arrière de goût de déception.
Car s’il est relativement court pour un J-RPG avec un maximum de 25 heures pour être bouclé, le bébé de Tokita ne nous invite pas à embrasser son univers, la faute au coup de poliche qui, s’il nous offre un emballage magnifique, ne couvre pas les lacunes d’une narration qui n’a pas évolué 3 décennies plus tard. Rageant.
Pour conclure, malgré les lacunes citées plus haut, j’ai pris du plaisir à prendre part à cette aventure aux accents de contes.
Live A Live mérite vraiment d’être découvert ne serait-ce que parce qu’il fait partie intégrante de l’histoire du jeu vidéo. Un gros big up également à l’impressionnant travail des équipes qui nous offrent un remake qui transcende la direction artistique du soft.